Le bonnet phrygien de la cathédrale

Dernière mise à jour le 29 décembre 2022

Pendant la Révolution française, la flèche de la cathédrale de Strasbourg s’est retrouvée coiffée d’un insolite bonnet phrygien. Il en reste une trace à deux pas de l’édifice.

En vous promenant près de la cathédrale, vous remarquerez peut-être cette curieuse enseigne dorée à l’angle du magasin d’antiquités Bastian. Regardez-la bien. On y voit la cathédrale coiffée d’un bonnet phrygien, ce couvre-chef rouge symbole de la Révolution française. Délire artistique ? Acte de protestation ? A vrai dire, aucun des deux. C’est un symbole d’une anecdote historique assez amusante aujourd’hui. Elle aurait pu ne pas l’être du tout. 

Il faut revenir à la Révolution française. A cette époque là, les symboles religieux sont mis à mal. La cathédrale de Strasbourg est alors la plus haute construction humaine dans le monde avec sa flèche qui culmine à 142 mètres de hauteur. Comme de nombreux autres édifices religieux, Notre-Dame de Strasbourg est transformée en temple de la Raison, un lieu de culte national athé où les figures à connotation religieuse sont proscrites. A partir du 25 novembre 1793, 235 statues vont être détruites par les révolutionnaires. Puis les regards se lèvent vers la flèche qui pointe vers les cieux. En plein conseil municipal, l’idée d’abattre cette flèche qui “injuriait l’égalité” est émise par l’officier municipal Antoine Téterel.

La flèche sauvée par un bonnet phrygien

On commence alors à regarder comment la démonter. La question est évoquée en avril 1794 lors d’un conseil municipal très agité. Jean-Michel Sultzer, lui aussi officier municipal et maître serrurier, s’y oppose et propose une solution beaucoup plus originale. Il soumet l’idée de coiffer la flèche d’un bonnet phrygien et de se servir de sa hauteur magistrale pour porter les idéaux de la Révolution jusqu’en Allemagne. 

L’idée est adoptée. Le 13 juin 1794, un bonnet phrygien en tôle est installé sur la flèche de la cathédrale. Peint en rouge et haut de plus de dix mètres, le symbole révolutionnaire est visible à dix lieues à la ronde (environ 50 kilomètres). Il restera en place jusqu’en 1802 où il fut démonté pour être conservé précieusement à la bibliothèque municipale. Malheureusement, les bombardements prussiens de 1870 réduisent la bibliothèque en cendres, emportant de la même façon notre bonnet phrygien. 

Pourquoi une enseigne sur la place de la cathédrale ?

Le seul souvenir qu’il nous reste donc de cet épisode historique, c’est cette enseigne au 24 place de la cathédrale. Elle a été installée en 1977 par l’antiquaire Jean Bastian en signe de commémoration. L’endroit n’est pas choisi au hasard puisqu’il s’agit de l’immeuble où Jean-Michel Sultzer résidait. Au-dessus de l’enseigne, on retrouve d’ailleurs un buste avec sa tête sculptée en bronze, tournée vers cette flèche qu’il a permis de sauver.