Dernière mise à jour le 15 novembre 2022
La Bibliothèque Nationale Universitaire (BNU) de Strasbourg renferme de nombreux trésors qu’il est possible de découvrir à travers une visite assez insolite dans ce bâtiment remarquable de la Neustadt. Parmi ses trésors cachés figurent une pièce du roi Crésus, un manuscrit en arabe du 10ème siècle ou encore l’unique manuscrit rescapé de l’incendie de 1870. Je vous emmène dans ce lieu magique qui, au-delà de sa riche collection de livres, mêle histoire, culture et architecture contemporaine.
L’histoire de la bibliothèque
La bibliothèque municipale de Strasbourg a pendant longtemps abrité l’une des plus riches collections d’Europe avec près de 300 000 volumes au milieu du 19ème siècle. Malheureusement, les bombardements prussiens de 1870 la réduisent en cendres. Près de 7 000 incunables, ces livres imprimés avant 1500, disparaissent et tant d’autres documents et manuscrits de valeurs comme le célèbre Hortus deliciarum de Herrade de Landsberg ou la bibliothèque de Schoepflin.
Cette perte inestimable suscite l’émoi dans toute l’Europe. Un appel aux dons est rapidement lancé en Allemagne et rencontre un vif succès dans le monde entier. L’Empereur Guillaume Ier confiera même 4 000 volumes de sa collection privée. Installée dans le Palais Rohan, la nouvelle bibliothèque compte plus de 200 000 volumes dès 1872 et manque rapidement de place. Décision est prise de construire un nouveau bâtiment sur la Kaizerplatz, le long de l’axe impérial de la Neustadt.
La nouvelle bibliothèque du Reichsland d’Alsace-Lorraine est inaugurée en novembre 1895. Elle est dotée de moyens conséquents qui lui permettent notamment de se constituer des fonds égyptiens importants de papyrus et d’ostraca. Avant la première guerre mondiale, la bibliothèque de Strasbourg est la 3ème plus importante d’Allemagne. A la fin du conflit, elle est rattachée directement à l’État Français puis on tente dans les années 1950 de gommer l’aspect wilhelmien du bâtiment. De le rendre plus fonctionnel aussi avec l’ajout de salles de lecture.
Une bibliothèque moderne dans des murs classés
Depuis la place de la République aujourd’hui, il est difficile d’imaginer que cet imposant bâtiment wilhelmien est en fait très moderne. Avec son dôme en cuivre et ses grandes colonnes, la bibliothèque présente un style néo-Renaissance italienne. La façade est richement décorée avec des médaillons qui représentent des grands noms de littérature et de la philosophie européennes. On peut y voir notamment Shakespeare, Molière, Dante ou Goethe.
Pénétrons maintenant à l’intérieur. Après le contrôle de sécurité d’usage, on change complètement de décor. La BNU a été entièrement refaite entre 2010 et 2014. L’architecte Nicolas Michelin a réussi le tour de force de mêler histoire et modernité avec beaucoup d’élégance. Je vois se dessiner au loin la partie qui m’impressionne le plus : un escalier suspendu monumental éclairé par la verrière du dôme. Les espaces intérieurs ont été complètement repensés autour de lui. Au 1er étage, la Bibliothèque propose des expositions temporaires à partir de ses fonds et d’objets prêtés par des musées, notamment le Louvre. Elles sont librement accessibles.
Les trésors cachés de la BNU
La bibliothèque est aujourd’hui l’une des trois plus grandes de France. Au-delà de sa collection d’ouvrages et documents que l’on peut emprunter ou consulter sur place, elle nous ouvre les portes de ses collections plus secrètes et impressionnantes de papyrus, de pièces de monnaies antiques ou encore d’incunables. Les visites guidées sont proposées chaque semaine. Les collections se répartissent en 5 “Réserves consultables“, des salles qui ont pour but de conserver les documents tout en pouvant les présenter.
Je commence toutefois ma visite par le magasin, les réserves de la bibliothèque. Je me sens transporté dans une autre époque. Le magasin est tel qu’il était en 1895 avec ses étagères Lippmann à crémaillères qui permettent de ranger les ouvrages par taille. C’est l’occasion d’en apprendre plus sur les techniques de reliure des livres. Saviez-vous qu’elles étaient différentes entre la France et l’Allemagne ? On retrouve des reliures sur peau de truie estampée à froid du côté allemand. Tandis que les Français utilisaient davantage des reliures en cuir. Je trouve que la version française est mieux conservée. D’ailleurs, les ateliers de restauration sont parfois ouverts au public, notamment pendant les journées du patrimoine.
Une impressionnante collection de papyrus et d’ostraca
Ma visite se poursuit par les salles de conservation. La première salle est dédiée aux objets de l’Égypte antique et du proche Orient. Elle permet à des étudiants de pouvoir étudier ce patrimoine exceptionnel. J’y découvre notamment une pierre avec une inscription punique de Carthage datée du 4ème ou du 3ème siècle avec Jésus-Christ ou une tablette cunéiforme de Mésopotamie. Il y a également un papyrus bilingue en arabe et en grec qui nous vient d’Égypte. C’est une notification d’impôts de 709. Eh oui, déjà à cette époque !
La deuxième salle conserve des manuscrits et des incunables, ces livres livres imprimés avant 1500 dans le sillon de Gutenberg, Mentel et autres pères de l’imprimerie. J’y découvre un manuscrit avec une homélie en arabe datée du 10ème siècle, le plus vieil ouvrage que possède la bibliothèque. Il y a également l’incontournable œuvre de l’humaniste strasbourgeois Sébastien Brant, la Nef des fous. Enfin, on retrouve le seul manuscrit sauvé de l’incendie de 1870 car il était emprunté par un chercheur au moment du bombardement.
De Chagall à Goethe en passant par le Roi Crésus
La troisième salle est immense et lumineuse. Elle donne sur le dôme et les salles de lecture. Elle me fait penser à une salle de lecture privée. On y trouve le fonds Jacques et Raïssa Maritain qui étaient amis avec Chagall. Certains de ses dessins sont présentés ici.
Sur la mezzanine, on retrouve le fonds numismatique de la ville avec de la monnaie allemande du 12ème et du 13ème siècle et de la monnaie asiatique. La BNU possède aussi d’autres pièces plus anciennes ou plus exceptionnelles comme un demi statère du roi Crésus daté de 600 ou 500 ans avant Jésus-Christ, un tétradrachme d’Athènes avec sa fameuse chouette et le premier franc utilisé pour payer la rançon de Jean Le Bon pendant guerre 100 ans. Plus original, on retrouve des vestiges de l’incendie de 1870 avec des pièces fondues.
Le quatrième espace présente des fonds cartographiques et iconographiques ainsi que quelques peintures. L’une des œuvres les plus remarquables, ce sont ces lettrines de Léo Schnug, l’auteur des décors de la Maison Kammerzell ou du Château du Haut-Koenigsbourg. En passionné de géographie, j’apprécie aussi le globe céleste du 17ème siècle fabriqué à Strasbourg. Enfin, la cinquième salle est constituée de fonds particuliers dont celui d’Arthur de Gobineau, un environnementaliste qui était ambassadeur au Moyen-Orient. On retrouve aussi les archives de la famille de Turckheim et des fonds autour de Goethe, Dante et Wagner.
Ma visite insolite de la BNU s’achève. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. J’avoue ne pas avoir été déçu par les trésors cachés et l’architecture magnifique de cette bibliothèque pas comme les autres. Si vous aussi vous voulez les découvrir, inscrivez-vous à l’une des visites guidées 😉
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